Jean-Pierre Point. Il y a quelque chose de beau dans les objets qui nous entourent
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Commissaire : Pierre-Olivier Rollin
Jouant subtilement des rapports de couleurs et usant d’une sensualité particulière aux matières, Jean-Pierre Point a produit des sérigraphies qui apparaissent comme autant d’illuminations du quotidien. L’exposition rassemble une cinquantaine d’œuvres produites entre les années 1970 et 2000. Des œuvres qui saisissent des moments intimes de la vie familiale de l’artiste et qui célèbrent la beauté simple du quotidien, trop souvent ignorée ou oubliée à force d’y être immergé.
Jean-Pierre Point (1941-2023) porte un nom prédestiné pour embrasser la sérigraphie. C’est en 1968 qu’il découvre cette technique d’impression par superposition de points colorés qui lui permet de produire en série et de multiplier ce qu’il appelle des images d’images en retravaillant des photographies. À cette époque, il s’inscrit dans les mouvements critiques de mai 68 qui dénoncent notamment l’uniformisation des comportements par les mass media ainsi que, dans le domaine artistique, le modèle économique fondé sur la marchandisation d’objets uniques.
Jean-Pierre Point participe alors d’un vaste mouvement de démocratisation de l’art. Il s’agit d’essayer de diffuser largement des œuvres d’art sous forme de multiples pour contrer l’élitisme des galeries et des musées. L’exemple le plus célèbre est les Suites Prisunic, à l’initiative de Jacques Putman; des recueils d’estampes originales d’artistes célèbres vendus 100 francs français (environ 15 €) dans les grands magasins du même nom. Et Point persévère en jouant au marchand ambulant dans les rues, placarde des affiches proposant, chez lui, ses sérigraphies à bas prix en espérant contourner le marché de l’art établi.
« Mon travail sérigraphique s’inscrit dans ma réflexion sur le statut des originaux et des multiples dans notre consommation culturelle. Certaines œuvres sont uniques et non-reproductibles ; cela veut dire pratiquement toute la peinture depuis Lascaux. Mais d’autres disciplines sont riches et vraies, tout en étant au départ des multiples : le cinéma, la musique, etc. Personne ne viendrait à dire : « J’ai été voir un vrai Fellini » ou, après un concert, « J’ai entendu un vrai Beethoven. » (… ) Multiple ou unique, le vrai problème est de distinguer une expression authentique d’un produit sans âme et d’éduquer à s’interroger sur ce problème. »Jean-Pierre POINT, Conversation avec Vincent Cartuyvels, Éditions tandem, 2010.
Dans plusieurs textes à vocation de manifeste, Jean-Pierre Point dénonce aussi le formatage visuel de l’époque, appauvrissant le regard par des habitudes de perception. L’ensemble de sa pratique sérigraphique va alors être une tentative pour inviter le regard à découvrir toutes les nuances chromatiques et poétiques de la reproduction artistique. Ainsi, sous une sérigraphie qui le représente dans son atelier aux murs couverts de ses œuvres, on peut lire :
« (…) j’ai découvert que chaque photographie peut éclater en une infinité de variations. Mon travail consiste à produire de telles variations, c’est-à-dire à imprimer, avec trois clichés, des centaines d’images différentes. J’aimerais vous montrer ces images (…) Vous pourrez éprouver les variations illimitées d’une image photographique, libérées des conventions de la reproduction : produire des images -ou les regarder- est aussi une manière de vivre et implique un changement dans nos habitudes mentales. »